Il faut le reconnaître : nul ne peut prétendre à l’emploi à vie. Et il y a une fin à tout, même aux belles histoires.  Et nous allons vers un monde rythmé autrement, une danse plus rapide sans doute, avec plus de changements de partenaires …

Mais tout ceci ne justifiera pas la bêtise, le mensonge, le triomphe de la médisance, le cynisme brutal,  les nuits des longs-couteaux, … l’entreprise est un univers de droit, et de valeurs. Si tout est excusable, si l’auto-justification est la règle, si le pire égale le meilleur alors il s’agirait d’un monde de violence. Et aucune entreprise du 21ème siècle ne peut se bâtir sur la violence.

L’emploi est un des piliers de la vie adulte. Et beaucoup font des choix importants de lieu de résidence, d’école, de crèche en fonction de l’emploi à honorer.  Le marché de l’emploi est peu fluide et le chômage ne garantit pas le maintien du niveau de vie, même temporairement.

Dans ces conditions l’emploi doit rester stable quand il peut rester stable. En Belgique, c’était nos mœurs, on pense pouvoir licencier un travailleur motivé et performant, jamais malade, peu coûteux pour engager à sa place un opportuniste profiteur et ce sans autre indemnité pour le travailleur injustement licencié que si son licenciement était nécessaire.

Depuis 2014 les choses vont-elles un tout petit peu mieux ? Rappelons que la fin de la discrimination entre ouvriers et employés et l’obligation de motivation du licenciement des employés est le résultat d’une action menée par les avocats de LITISS (arrêt du 7 juillet 2011 de la Cour constitutionnelle).Cela a notamment donné lieu à la CCT 109 sanctionnant (à peine …) le licenciement manifestement déraisonnable. Une norme très faible, fruit d’un compromis peu cohérent.  Cette norme n’est que subsidiaire : elle ne sanctionne que le licenciement « manifestement déraisonnable ».  Pourquoi manifestement ? Existe-t-il des licenciements « un peu »  déraisonnables ?

Le vrai progrès est que notre droit admet maintenant clairement qu’un licenciement est un acte à motiver sérieusement et que la preuve repose d’abord chez l’employeur. Le débat devient possible  et ce qui était autrefois caché apparaîtra plus aisément, ce qui ouvre la porte à la démonstration de licenciements abusifs quand autrefois la preuve manquait cruellement.

Comment évaluer le dommage moral ? En équité. L’équité est une notion très vivace Outre-Manche et Outre-Atlantique. Notre système judiciaire y est de moins en moins hermétique. Il faut que la réparation soit « significative », c’est-à-dire riche de sens. Cette appréciation se fait en fonction des parties en présence, du poids relatif de l’argent, du degré de violence ou d’injustice atteint à l’occasion de l’acte illicite.

Le débat sur le caractère raisonnable du licenciement est ouvert, il faut y participer.

 

Me Vincent CHIAVETTA spécialiste en droit du travail

Interview de Me Vincent CHIAVETTA, avocat spécialiste en droit du travail, dans le cadre de l’émission RTBF Info. :

RTBF – RTBF Info du 7 juillet 2015 – Licenciement abusif